La décision du Comité des droits de l’enfant de l’Union Africaine représente une avancée majeure dans la lutte pour l’éradication de l’esclavage en Mauritanie, selon des groupes de défense des droits humains

26 January 2018

Minority Rights Group International (MRG) et Anti-Slavery International saluent l’adoption de la décision historique du Comité Africain d’Experts sur les Droits et le bien-être de l’enfant (CADBE) dans l’affaire Said et Yarg Salem c/ la Mauritanie.

La décision concernent le cas de deux frères nés esclaves en Mauritanie, dont les anciens maitres ont été poursuivis pour esclavage dans le premier cas de ce genre dans le pays, mais ayant reçus des peines extrêmement légères, a été annoncée le 26 janvier 2018 par le CADBE.

Le CADBE a constaté que les autorités mauritaniennes n’ont pas pris les mesures nécessaires pour prévenir, enquêter, poursuivre, punir et remédier à la pratique répandue de l’esclavage qui affecte particulièrement la communauté ethnique des Haratine, aboutissant à une situation d’impunité. Décidant que la loi anti-esclavagiste de la Mauritanie n’assure pas une protection adéquate contre l’esclavage, il a estimé que l’État violait ses obligations de protection des droits des enfants, y compris le fait de ne pas agir dans leur intérêt et de les protéger contre la discrimination, le travail des enfants, l’abus et les pratiques culturelles nuisibles, ainsi que pour assurer leur survie et leur développement, leur éducation, leurs loisirs et  activités culturelles.

La Mauritanie est désormais tenue de fournir une compensation, un soutien psychosocial et une éducation aux deux enfants victimes et de veiller à ce que tous les auteurs soient traduits en justice. Elle doit également prendre des mesures plus larges pour éradiquer l’esclavage des enfants en Mauritanie, y compris en prévoyant des mesures spéciales pour les enfants victimes et en faisant de l’élimination de l’esclavage une priorité.

« Cette décision a le potentiel d’apporter de vrais changements dans la façon dont la Mauritanie aborde les poursuites pénales contre l’esclavage en Mauritanie. » déclare Lucy Claridge, Directrice Juridique a MRG et membre de l’équipe ayant présenté le dossier au Comite en 2016. « MRG soutient ce cas depuis 2011 car nous pensons que la loi peut être utilisée pour améliorer les conditions de vie. Nous exhortons maintenant le gouvernement Mauritanien à respecter pleinement la décision et à mettre en œuvre les recommandations du CADBE.

Agissant pour le compte des frère Salem, MRG et l’ONG mauritanienne SOS Esclave ont porté l’affaire devant le Comité, un organe de l’Union africaine, qui a pour rôle d’exhorter les Etats à respecter leurs obligations telles que prévues par la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant. L’affaire a été une première fois entendue par le Comité le 27 octobre 2016, et le Comité a ensuite effectué une visite dans le pays en mars 2017 pour enquêter  d’avantage sur ces allégations.

« Je suis vraiment content pour les garçons. Ils ont attendu si longtemps pour que justice soit rendue. » déclare Jakub Sobik, porte parole pour Anti Slavery International, qui a aidé à porter l’affaire devant les tribunaux mauritaniens en 2011 et soutient l’affaire actuelle devant les juridictions nationales.  « Cette décision offre aux deux frères la reconnaissance que leurs droits ont été bafoués et que leur propre gouvernement ne les a pas protégés. Le message adressé au gouvernement mauritanien est extrêmement clair: faire en sorte que leurs maîtres soient poursuivis avec toute la puissance de la loi. » « Je suis également heureux pour tous les autres survivants de l’esclavage qui attendent également justice car leurs affaires sont souvent ignorées par les tribunaux mauritaniens. Si le gouvernement Mauritanien ne veut pas poursuivre les crimes d’esclavage de son propre gré, nous devrons l’y contraindre par la pression internationale ».  Contexte de l’affaire et de l’esclavage en Mauritanie

En Mauritanie, le statut d’esclave se passe de mère à l’enfant, et les frère, Said Ould Salem (né en 2000) et Yarg Ould Salem (né en 2003), sont automatiquement devenus esclaves pour la famille El Hassine dès leurs naissances.

Les garçons ont réussi à échapper à leurs maitres en avril 2011, et en novembre de la même année, ce dernier, Ahmed Ould Hassine a été condamné par le tribunal pénal de Nouakchott pour avoir maintenu les frères en esclavage et pour les avoir privés d’accès à l’éducation. Dans la première et unique poursuite réussie sous la loi anti-esclavage mauritanienne de 2007, il a été condamné à 2 ans d’emprisonnement et une indemnisation de 1.35 million MRO a été alloué aux frères.  (USD 4,700).

La condamnation et le montant des dommages-intérêts accordés étaient bien en dessous de ce qui est prévu dans la loi anti-esclavage de 2007 qui est de 5 à 10 ans, et cette décision a fait l’objet d’un appel du procureur de la République en 2010. De plus, El Hassine a été libéré de prison en attendant l’appel qui n’a eu lieu que peu de temps après la soumission de l’affaire au Comité.

Le 24 novembre 2016, la cour d’appel a augmenté le montant des dommages-intérêts accordés aux garçons, mais la sentence de leur ancien maitre est restée inchangée, l’obligeant à ne purger que le reste de sa peine initiale de deux ans.

Avec l’appui de MRG et leur avocat, les garçons ont demandé au procureur de la République de saisir la Cour suprême, car la décision de la Cour d’appel n’applique toujours pas la loi. Said et Yarg continuent d’être financièrement soutenus par l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), qui les a également soutenus dans leur fuite initiale. Une compensation juste et une justice appliquée sont essentielles pour les deux frères, qui terminent leurs études et commencent à établir leurs vies indépendantes.

« Nous espérons que cette décision du Comité aura une incidence positive sur l’appel en cours devant la Cour suprême Mauritanienne et sur d’autres plaintes pénales d’esclavage qui stagnent actuellement devant les tribunaux mauritaniens », a déclaré Claridge.

Notes aux éditeurs:

  • Minority Rights Group International est l’organisation internationale phare de défense des droits de l’homme qui s’efforce de garantir les droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques et des peuples autochtones. Nous travaillons avec plus de 150 partenaires dans plus de 50 pays.
  • Anti-Slavery International travaille à éliminer toutes les formes d’esclavage et les pratiques similaires à l’esclavage dans le monde entier. Fondée en 1839 par des abolitionnistes britanniques, elle est la plus ancienne organisation internationale de défense des droits de l’homme.
  • Le texte complet ainsi que le résumé de la décision du CAEDBE, en anglais et en français, peuvent être trouvés sur le site du Comité.
  • Pour en savoir plus sur, Enforcing Mauritania’s Anti-Slavery Legislation: The Continued Failure of the Justice System to Prevent, Protect and Punish,  une publication conjointe d’Anti-Slavery International, de Minority Rights Group International, Society for Threatened Peoples et Unrepresented Nations and Peoples Organization.

 

Opportunités d’interview :

Lucy Claridge, Directrice Juridique, MRG
E: [email protected]

Twitter : @MinorityRights

Jakub Sobik, Responsable Communication, Anti-Slavery International

D: +44(0) 207 501 8934

M: +44(0) 7789 936 383

Twitter: @notravic