Appel aux États membres de l’ONU à adopter une résolution créant un mécanisme d’enquête sur l’Afghanistan lors de la 48e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU
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Les organisations signataires de cette lettre ouverte appellent les États membres de l’ONU à garantir l’adoption d’une résolution solide créant une mission d’établissement des faits ou un mécanisme similaire d’enquête indépendant sur l’Afghanistan de façon prioritaire lors de la 48e session ordinaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH).
Nous regrettons profondément que la récente session extraordinaire du CDH consacrée à l’Afghanistan n’ait pas abouti à une réponse crédible concernant l’aggravation de la crise des droits humains dans le pays. En effet, la résolution qui a été adoptée est bien loin d’apporter une réponse satisfaisante aux appels de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (CIDHA), du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et des procédures spéciales de l’ONU, et des organisations de la société civile, et elle n’est pas à la hauteur du mandat du CDH, en fonction duquel il se doit réagir de façon efficace face aux situations de violation des droits humains, y compris en cas de violations flagrantes et systématiques.
La mise en place d’une mission d’établissement des faits, ou d’un mécanisme d’enquête indépendant du même type, dotée d’un mandat courant sur plusieurs années, accompagné des ressources nécessaires, portant sur les questions de genre et chargeant ce mécanisme de surveiller la situation, d’en rendre compte régulièrement et de réunir des preuves sur les violations des droits humains et les atteintes à ces droits commises à travers le pays par toutes les parties représente un élément crucial de la réponse internationale plus large qu’il est absolument urgent d’apporter face à l’aggravation de la crise humanitaire et des droits humains en Afghanistan. La mise en place d’un tel mécanisme est cruciale pour que les États membres de l’ONU soient pleinement informés de la situation sur le terrain au moment de prendre d’importantes décisions quant à la façon de réagir face à cette crise, de contribuer à protéger les droits et la vie de la population en Afghanistan, et d’empêcher que d’autres crimes ne soient commis. Elle est capitale pour soutenir les courageux militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains, en particulier les femmes défenseures des droits humains, qui continuent de travailler malgré les graves dangers auxquels ils sont personnellement exposés et qui ont demandé le soutien et la solidarité de la communauté internationale. Elle est également capitale pour contribuer à remédier au manque de reddition de comptes qui favorise les graves violations et atteintes aux droits humains perpétrées partout dans le pays, et pour compléter et appuyer le travail international et national sur l’obligation de rendre des comptes pour les crimes de droit international.
L’urgente nécessité d’un tel mécanisme n’aurait pas pu apparaître plus clairement tout au long des négociations, et lors de l’ouverture de la session extraordinaire. La CIDHA, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, les procédures spéciales, l’ambassadeur d’Afghanistan aux Nations unies à Genève et un large éventail d’organisations nationales, régionales et internationales de la société civile ont tous lancé cet appel clairement et sans équivoque. La haute-commissaire aux droits de l’homme a insisté sur le fait que son Bureau était prêt et déterminé à informer régulièrement le CDH de l’évolution de la situation, mais qu’il était absolument indispensable que le CDH prenne des « mesures courageuses et énergiques à la mesure de la gravité de la situation, en créant un mécanisme dédié chargé de surveiller de près l’évolution de la situation des droits humains en Afghanistan, y compris – en particulier – la mise en œuvre par les talibans de leurs engagements, avec une attention particulière portée à la prévention ». Le fait de ne pas tenir compte de ces appels répétés, de ne rien faire et d’attendre que d’autres crimes soient perpétrés pour prendre de véritables mesures constitue de la part du CDH une renonciation à ses responsabilités. La population en Afghanistan a droit à bien mieux que cela.
Lors de la session extraordinaire, les procédures spéciales de l’ONU ont rappelé que les 18 derniers mois « ont été les mois les plus meurtriers pour les civils en Afghanistan dans l’histoire récente », et également attiré l’attention du Conseil sur le cinquième rapport du secrétaire général de l’ONU sur le sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan (S/2021/662, 16 juillet 2021) indiquant que « le nombre d’enfants tués ou mutilés au cours du premier semestre de 2021 dépasse pour cette période tous les chiffres recensés par l’ONU en Afghanistan, une situation qui s’est encore aggravée au cours des dernières semaines ».
En cette période cruciale pour la population afghane, nous avons la conviction qu’un mécanisme d’enquête indépendant représente le seul moyen crédible de remédier à la crise des droits humains dans le pays, de favoriser le respect de l’obligation de rendre des comptes et d’empêcher de nouvelles violences. Certains États ont proposé la création d’un mandat de rapporteur/rapporteuse spécial·e à titre de compromis lors de la session extraordinaire, mais cela ne serait ni adéquat ni approprié pour faire face à une crise de cette ampleur, notamment en raison du manque de ressources, des capacités limitées et donc du champ d’action restreint d’un tel mandat. Il convient de rappeler que la résolution adoptée lors de la session extraordinaire « [s]ouligne la nécessité d’enquêter rapidement et de manière transparente sur toutes les violations des droits de l’homme, atteintes à ces droits et violations du droit international humanitaire qui auraient été commises par les parties au conflit, et d’amener les responsables à rendre compte de leurs actes ». Manifestement, la seule façon crédible de mettre en œuvre cet engagement est « d’enquêter rapidement et de manière transparente ».
Nous appelons tous les États membres de l’ONU à prendre d’urgence les mesures nécessaires pour corriger la trajectoire du CDH en garantissant la mise en place d’un mécanisme d’enquête solide et indépendant, quand ils se réuniront lors de la 48e session ordinaire en septembre. La présidente de la CIDHA a déclaré lors de son discours d’ouverture devant le Conseil des droits de l’homme : « Les militantes et militants afghans sur le terrain, mes collègues qui sont sur place, dont la vie et celle des membres de leur famille sont directement menacées, exigent davantage, alors qu’ils ont tout à perdre à formuler cette demande […] Beaucoup des personnes avec qui je parle en Afghanistan craignent déjà de ne pas survivre à demain. Alors que nous connaissons actuellement nos pires instants, nous vous appelons à faire mieux ».
Liste des signataires
- Afghanistan Independent Human Rights Commission
- Amnesty International
- ARTICLE 19
- Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
- Asylum Seeker Resource Centre (ASRC)
- Australian Centre for International Justice
- Australian Human Rights Institute
- AWID (Association for Women’s Rights in Development)
- Cairo Institute For Human Rights Studies
- Center for Justice and International Law (CEJIL)
- Centro de Documentación en Derechos Humanos “Segundo Montes Mozo S.J.” (CSMM)
- CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
- Comisión Mexicana de Defensa y Promocion de Derechos Humanos (CMDPDH)
- Committee to Protect Journalists
- Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
- DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
- DEMAS – Association for Democracy Assistance and Human Rights
- Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)
- FOKUS Forum for women and development
- Forum Menschenrechte
- Free Press Unlimited
- FRI – Foreningen for kjønns- og seksualitetsmangfold
- Front Line Defenders
- Global Centre for the Responsibility to Protect
- HelpAge International
- Human Rights Now
- Human Rights Watch
- Humanists International
- International Bar Association’s Human Rights Institute
- International Center for Transitional Justice (ICTJ)
- International Commission of Jurists
- International Federation for Human Rights (FIDH)
- International Federation on Ageing
- International Fellowship of Reconciliation (IFOR)
- International Movement Against All Forms of Discrimination and Racism (IMADR)
- International Service for Human Rights
- Jacob Blaustein Institute for the Advancement of Human Rights
- La Strada International
- Medical Association for Prevention of War (Australia)
- Minority Rights Group International
- No Peace Without Justice
- Norwegian Helsinki Committee
- Norwegian Humanist Association
- Rafto Foundation for Human Rights
- Right Livelihood
- Scholars at Risk
- The International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT)
- The Norwegian Human Rights Fund
- Tokyo University of Foreign Studies
- VOICE Australia
- WO=MEN Dutch Gender Platform
- Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)
- Women’s Refugee Commission
- World Organisation Against Torture (OMCT)
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Photo : Salle des droits de l’homme et de l’Alliance des civilisations du Palais des Nations, Genève (Suisse), 5 août 2015. Crédit : Ludovic Courtès. Publié sur Wikimedia Commons sous licence Creative Commons.
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