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Atteintes aux droits de l’homme dans le PNKB : les conclusions soi-disant « indépendantes » de l’enquête de l’ICCN ne peuvent être prises au pied de la lettre

7 June 2022

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Le 1er juin 2022, l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) a publié les conclusions d’une commission « mixte et indépendante » mise en place pour enquêter sur les allégations d’abus des droits humains commis contre des civils Batwa par son personnel dans le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), violences documentées dans le rapport de MRG « Purger la forêt par la force ».

Le rapport de la commission minimise délibérément le poids des preuves découvertes au cours de leur enquête et corroborant les conclusions du rapport de MRG et ainsi tente de jeter le doute sur la méthodologie de l’enquête de MRG. Le rapport de la commission réutilise et met en avant des récits déjà déployés depuis longtemps par le Parc et ses partisans pour nier que des violations des droits humains à l’encontre des civils Batwa ont lieu à l’intérieur du PNKB.

Bien que regrettable, cela n’est pas surprenant étant donné que la commission de l’ICCN est composée de représentants même de ce dernier et des partisans, soutiens internationaux du Parc, eux-mêmes complices des violences documentées. En d’autres termes, le rapport de la commission représente la réfutation de l’auteur même des faits et des violences documentées dans l’enquête indépendante menée pendant 14 mois et commandée par MRG.

Malgré cela, certaines conclusions contenues dans le rapport de la commission sont particulièrement importantes et fournissent des preuves supplémentaires des abus documentés par MRG. En voici quelques exemples :

  • Les informations découvertes par la commission placent les gardes et les soldats du Parc aux dates et aux endroits précis où des violations des droits de l’homme contre des civils Batwa auraient eu lieu pendant les trois opérations conjointes documentées dans le rapport de MRG ;
  • Les opérations conjointes ont visé des sites civils, et pas seulement des groupes armés actifs dans le parc ;
  • En ce qui concerne l’opération de juillet 2021, au cours de laquelle de multiples témoins oculaires et des survivants ont rapporté que des gardes du Parc et des soldats avaient violé en groupe des femmes Batwa, la commission a confirmé la mort d’une femme Mutwa qui avait été victime d’un viol par des gardes du parc et/ou des soldats ;
  • L’opération conjointe qui a eu lieu en novembre-décembre 2021 a été baptisée « Opération Safisha », ce qui se traduit littéralement par « Opération Purge ».

Certains des crimes les plus flagrants documentés dans le rapport de MRG ont été complètement écartés par la commission parce qu’elle n’a pas été en mesure de trouver « trois sources indépendantes » pour les corroborer. On ne sait pas très bien ici ce que l’on entend par sources « indépendantes » ni pourquoi de nombreux témoins oculaires Batwa et non-Batwa, qui ont été interrogés par la commission et ont corroboré les allégations, n’ont pas permis d’attendre ce seuil de « trois sources indépendantes ».

En outre, la commission n’a passé que deux jours sur le terrain parmi les communautés affectées. Le fait qu’elle n’ait pas trouvé de sources corroborantes ne signifie pas nécessairement qu’elles n’existaient mais simplement que les efforts n’ont pas été déployés pour les retrouver. En revanche, les récits décrivant la violence comme la réponse du PNKB à la résistance armée des Batwa, ou la présence de milices armées dans le parc, ont été directement tirés de sources du parc et incorporés sans critique dans le rapport et sans corroboration indépendante. Cette approche méthodologique suggère que le rapport de la commission était un fait accompli – conçu en grande partie pour exonérer le PNKB – plutôt qu’une enquête honnête, rigoureuse et indépendante.

Bien que préoccupante, les conclusions de l’enquête de l’ICCN n’est pas surprenante compte tenu de la conduite des membres de la commission pendant ses travaux. Bien que MRG ait initialement accepté de participer à l’enquête en toute bonne foi, MRG a été contraint de se retirer suite à de graves problèmes de sécurité impliquant le personnel de l’ICCN dirigeant la commission. Une copie préliminaire de notre rapport, partagée à titre confidentiel avec des partisans internationaux du Parc, a été divulguée à l’ICCN, entraînant des représailles contre des organisations de la société civile soupçonnées d’avoir fourni des preuves des violences à l’équipe d’enquête de MRG.

Les préoccupations de MRG concernant l’intégrité de la commission et de son travail sont fondées. Au moins sept personnes, dont l’auteur du rapport de MRG et un membre de l’équipe de recherche, ont dû déménager après avoir reçu des menaces de mort en conséquence directe de leur participation à l’enquête de l’ICCN. Les efforts visant à nuire à ces personnes semblent se poursuivre et ne montrent aucun signe d’apaisement. Des tactiques similaires ont été déployées à l’encontre d’autres acteurs de la société civile et des membres de la communauté Batwa dans le but de réduire au silence ceux qui détiennent des preuves des violences commises par le PNKB.

La conduite des membres de la commission au cours de son enquête soulève de sérieuses questions quant à la capacité de l’ICCN à enquêter utilement sur les allégations d’atteintes aux droits de l’homme commises dans les aires protégées qu’il gère en République démocratique du Congo plus généralement. Les conclusions de la commission de l’ICCN ne peuvent être prises pour argent comptant, ni utilisées pour évaluer la véracité des crimes documentés dans le rapport de MRG ou utilisées pour nier les violences systémiques du PNKB et de ses partisans.

Cliquez ici et ici pour lire nos publications sur les violations des droits humains contre les Batwa dans le PNKB.

Photo: Parc national de Kahuzi-Biega, République démocratique du Congo. (Photo service forestier de Roni Ziade). US Forest Service, 2018. Image dans le domaine public.

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