EMMAP: Rapporter pour la paix
Les chapitres
Le programme « Engaging Media and Minorities to Act for Peacebuilding » (EMMAP) (Engager les médias et les minorités à agir pour la consolidation de la paix) a formé et soutenu des journalistes, des étudiants en journalisme et des organisations de la société civile au Ghana, au Sénégal et en Sierra Leone afin de sensibiliser aux liens entre les questions relatives aux minorités ou aux autochtones et les conflits et d’améliorer la couverture médiatique de la dynamique des conflits.
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Introduction
Introduction Les conflits les plus anciens du monde sont alimentés et combattus en raison des problèmes ethniques, linguistiques, religieux et culturels. Ces conflits impliquent toujours des groupes minoritaires. La méconnaissance des…
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Histoires de réussite: Justice Environnementale au Ghana
Histoires de réussite: Justice Environnementale au Ghana Bien que l’Afrique de l’Ouest ait l’une des plus faibles émissions de CO2 par habitant au monde, sa population est, de manière disproportionnée, menacée par le…
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Histoires de réussite : Guérir de la guerre civile en Sierra Leone
Histoires de réussite : Guérir de la guerre civile en Sierra Leone Entre 1991 et 2002, la guerre civile en Sierra Leone a fait environ 70 000 morts et 2,5 millions de personnes déplacées. Le conflit a été marqué par de nombreuses…
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Histoires de réussite : Camps des Sorcières au Ghana
Histoires de réussite : Camps des Sorcières au Ghana À bien des égards, le Ghana est à l’avant-garde de la promotion de l’égalité des sexes en Afrique de l’Ouest. La cause des femmes a évolué dans les domaines de la…
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Histoire de Réussite : Violence intercommunautaire
Histoire de Réussite : Violence intercommunautaire Malgré la difficulté de parvenir à un chiffre exact, on estime qu’il existe plus de 500 communautés ethniques distinctes en Afrique de l’Ouest et autant de langues maternelles….
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Introduction
Les conflits les plus anciens du monde sont alimentés et combattus en raison des problèmes ethniques, linguistiques, religieux et culturels. Ces conflits impliquent toujours des groupes minoritaires. La méconnaissance des questions relatives aux minorités est au cœur de ces conflits, mais pourtant, les minorités restent marginalisées dans le contexte de la prévention des conflits internationaux. La maîtrise des droits des minorités est essentielle pour toute personne impliquée dans la prévention et la résolution des conflits. Par conséquent, la sensibilisation aux fondements des conflits, à leurs conséquences, à la situation des groupes minoritaires, des migrants et des personnes déplacées à l’interne (PDI) est un élément essentiel de la consolidation de la paix.
L’Afrique de l’Ouest est une région caractérisée par une incroyable diversité culturelle avec de nombreux exemples de remarquable harmonie entre les ethnies, les langues et les religions.
Toutefois, le fondement de certains conflits dans la région repose sur les divisions intercommunales qui auraient pu être évitées si l’on avait tenu compte des alertes de violations des droits des minorités. Souvent, la division des groupes selon des critères ethniques, religieux ou linguistiques a été un moyen de faire respecter les droits des minorités et de maintenir la paix entre les groupes. Au-delà de la dimension ethnique, la région est confrontée à de nombreux d’autres problèmes liés à la discrimination, tels que la discrimination genre et la marginalisation des personnes handicapées.
Selon les données de 2020 de Global Peace Index, les pays cibles de ce projet sont faiblement classées : 43eme (Ghana), 46eme (Sierra Leone) et 47eme (Sénégal). Les contestations des résultats des élections et les aspirations à un changement politique ont engendré des tensions civiles et une instabilité politique, et des protestations violentes.
Au Ghana et au Sénégal, la couverture des conflits peut être problématique par rapport à la couverture d’autres questions sociales. Les reportages sur les conflits sont produits de manière réactive et manquent souvent d’une évaluation minutieuse ou d’une enquête approfondie. Souvent, l’hostilité et la violence à l’égard des minorités qui entraînent les conflits sont alimentées par des reportages non conformes à l’éthique et par une couverture médiatique non professionnelle ; notamment lorsque les questions sociales deviennent source de division en période des élections. Nos entretiens ont mis en lumière la faible capacité des médias au Ghana, au Sénégal et en Sierra Leone à reporter de manière sensible des questions de développement, de l’aide au développement et des conflits. En Sierra Leone, les agences de presse et les professionnels des médias sont régulièrement confrontés à au moins une des violations suivantes : intimidation, harcèlement, humiliation, arrestation, détention et agressions physiques.
Dans l’ensemble, eu égard à la couverture des questions des minorités, les médias du Ghana, du Sénégal et de la Sierra Leone sont aux prises avec plusieurs problèmes majeurs. Il y a notamment un manque de compréhension des problèmes des minorités et de leurs liens avec les conflits, la faible représentation des minorités dans les fonctions, le manque d’opportunités de développement professionnel, le manque de connaissances sur la manière de rédiger des reportages efficaces sans équipement coûteux et le manque de connaissances sur les normes éthiques en matière de journalisme, pour n’en citer que quelques-uns.
C’est dans ce contexte que Minority Rights Group a conçu un programme visant à former et à soutenir les journalistes, les étudiants en journalisme et les organisations de la société civile dans trois pays cibles de la région tels que le Ghana, le Sénégal et la Sierra Leone afin de faire prendre conscience des interconnections entre les problèmes des minorités ou des autochtones et les conflits, améliorer la couverture médiatique de la tendance des conflits, intensifier l’utilisation de contre-récits et de méthodes positives, et améliorer les reportages sur les conflits qui tiennent compte de l’aspect minoritaire ou migratoire.
Avec le soutien de l’Union Européenne, le programme « Engaging Media and Minorities to Act for Peacebuilding » (EMMAP) a été exécuté en partenariat avec la Plateforme des Médias sur l’Environnement et le Changement Climatique (MPEC/Ghana), le Réseau pour la Justice Sociale (FAHAMU/Sénégal) et le Groupe de Coordination de la Réforme des Médias (MRCG/Sierra Leone).
Points Forts du Programme
Entre Mars 2022 et Février 2024, MRG s’est engagé dans diverses activités de renforcement des connaissances des journalistes et des activistes des organisations de la société civile et les a impactés avec des connaissances sur la sensibilisation aux questions cruciales les droits des minorités en Sierra Leone, au Sénégal et au Ghana.
- Plus de 115 articles écrits, reportages radio et vidéos ont été réalisés par des journalistes à la suite des visites sur le terrain, d’allocations et de tables rondes.
- Un comité de pilotage a été mis en place pour veiller de manière professionnelle à la qualité des productions médiatiques et pour encadrer les journalistes et les acteurs de la société civile. Ce comité est composé de personnes ayant une expérience et une expertise du paysage médiatique de l’Afrique de l’Ouest.
- Une formation en ligne a été proposée à 120 journalistes et étudiants en journalisme, ainsi qu’à 60 activistes des droits des minorités.
- Trente journalistes et étudiants en journalisme ont participé à une formation face à face de cinq jours et à des visites de terrain dans des communautés minoritaires au Ghana, en Sierra Leone et au Sénégal.
- Six prix ont été décernés à des journalistes ayant réalisé des reportages exceptionnels sur les droits des minorités – deux dans chaque pays.
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Histoires de réussite: Justice Environnementale au Ghana
Bien que l’Afrique de l’Ouest ait l’une des plus faibles émissions de CO2 par habitant au monde, sa population est, de manière disproportionnée, menacée par le changement climatique. En effet, ce sont les plus pauvres et les plus marginalisés des communautés, en particulier les minorités, qui manquent de moyens pour s’adapter aux changements écologiques, et le cas de l’Afrique de l’Ouest n’est pas exceptionnel. Philip Tengzu, journaliste d’EMMAP à Ghana News Agency, a réalisé un reportage sur une installation d’irrigation à énergie solaire dans le district de North Gonja, dans la région de Savannah. Ce projet a permis à 40 agricultrices de la communauté de bénéficier d’une installation d’irrigation facile à utiliser qui peut produire environ 60 litres d’eau par minute.
Dans le cadre du programme EMMAP, Mohammed Fugu a présenté les pratiques de conservation agricole reconnues comme une stratégie permettant d’atténuer les effets du changement climatique et de la dégradation des sols et de renforcer la résilience afin d’obtenir des récoltes abondantes pour nourrir la nation et éventuellement l’exporter au-delà de ses frontières. Les journalistes d’EMMAP Kemo Cham et Mohamed Sahr ont fait un reportage sur le rapport annuel 2023 du Minority Rights Group, Minority and Indigenous Trends 2023: Focus on water (Tendances des minorités et des peuples autochtones 2023 : Focus sur l’eau), qui examine l’impact démesuré de la crise mondiale de l’eau sur les minorités et les peuples indigènes. En tout, ils ont produit dix articles sur la crise de l’eau et les nombreuses solutions créatives mises en place par les organisations de la société civile et les agriculteurs eux-mêmes.
Dans le cadre des initiatives visant à renforcer la résilience face au changement climatique et à stimuler la chaîne d’approvisionnement alimentaire en Afrique du Nord, du Centre et de l’Ouest pour l’Eau, l’Irrigation et l’Agriculture Durable de l’Université des Etudes de Développement (WACWISA-UDS) et le Frontier Institute of Development Planning ont récemment lancé un projet dans quatre pays Africains, dont le Ghana, afin de développer de nouvelles pratiques agroécologiques qui s’appuieront sur les connaissances locales et scientifiques existantes pour améliorer la ration alimentaire, les moyens de subsistance locaux et le bien-être de l’écosystème. Ces pratiques devraient également renforcer la biodiversité et améliorer la résistance au climat.
Le Directeur de WACWISA-UDS, le Professeur Félix Abagale, a expliqué que le projet faciliterait les meilleures pratiques agricoles indigènes, ce qui permettrait de révolutionner le système agricole du pays et d’apporter de nombreux avantages à la population : « Nous n’apportons rien de très nouveau. Seulement que nous voulons comprendre les méthodes indigènes [d’agriculture] et, en tant que scientifiques, nous faisons de la recherche et améliorons ce que les agriculteurs font déjà, ce que nous jugeons bon », a-t-il déclaré.
Bien que les communautés rurales du Ghana, en particulier les groupes marginalisés tels que les femmes, les personnes handicapées et les agriculteurs de subsistance, continuent de faire face à d’immenses défis liés au changement climatique, il existe un espoir sous la forme de solutions innovantes. Toutefois, à mesure que les effets du changement climatique s’intensifient, il est important que les connaissances locales et les stratégies créatives bénéficient d’un plus grand soutien de la part des organisations gouvernementales et internationales, afin de veiller à ce que les populations vulnérables ne soient pas laissées en marge de cette crise mondiale.
Visite de terrain au Nord-Est du Ghana
Afin de diffuser les récits des personnes dont les voix sont rarement entendues dans les conversations sur cette crise mondiale, le Minority Rights Group a organisé, au début du mois d’avril 2023, une visite de terrain au Nord-Est du Ghana, où l’agriculture de subsistance est la principale source de revenus pour plus de la moitié de la population.
Dans cette région, le sol est relativement pauvre en organique et en d’autres nutriments essentiels tels que l’azote, le potassium et le phosphore. Le labourage régulier du sol et la destruction de la biomasse par les feux de brousse et l’abattage inconsidéré des arbres ne font qu’aggraver l’état de la terre déjà appauvrie. Avec la hausse des températures, les précipitations deviennent de plus en plus imprévisibles et intenses. Par conséquent, les saisons de semence se raccourcissent et la proportion de terres arables diminue.
Ces défis menacent considérablement la productivité des agriculteurs et font craindre une insécurité alimentaire. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les citoyens les plus vulnérables du Ghana, tels que les personnes handicapées. Par exemple, comme l’a rapporté Mohammed Fugu, journaliste de Graphic Online, pendant des décennies, Kanyizine Kansah, un petit exploitant agricole malvoyant de 59 ans, a cultivé des céréales et des légumes pendant la saison sèche à Karni, dans le district de Lambussie, région de l’Upper West, utilisant les revenus de l’exploitation pour nourrir sa famille et payer l’éducation de ses trois enfants.
Mais depuis trois ans, Kansah ne récolte que de maigres quantités de maïs en raison de la sécheresse. « J’avais l’habitude de cultiver environ quatre hectares de maïs et récolter environ 20 sacs, mais depuis trois ans, je n’obtiens qu’à peine quatre sacs en raison de l’insuffisance des précipitations », explique-t-il. Fugu relate que Salifu Mariam, une femme handicapée physique de Moaduri, dans la région du Nord-Est, est confrontée à une situation similaire, car en 2022, des inondations ont emporté la totalité de sa ferme de deux hectares. « La vie n’a pas été facile après que l’inondation ait détruit toutes mes cultures vivrières sur la ferme ; maintenant, je survis grâce à la bienveillance des gens », dit-elle.
Les jeunes de la région sont également touchés de manière anormale. Dans la municipalité de Yendi, dans la région du Nord, certains élèves de l’école primaire parcourent environ cinq kilomètres par jour pour aller chercher de l’eau dans une mare avoisinante pendant la saison sèche. “Lorsque je vais chercher de l’eau avant d’aller en classe, je suis toujours très fatigué et je n’arrive pas à me concentrer, et le soir, je dois faire le tour et chercher de l’eau pour la famille », a déclaré Zulfatu Yakubu, une élève de l’école primaire de Wambung, à Fugu dans le cadre d’un autre article.
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Histoires de réussite : Guérir de la guerre civile en Sierra Leone
Entre 1991 et 2002, la guerre civile en Sierra Leone a fait environ 70 000 morts et 2,5 millions de personnes déplacées. Le conflit a été marqué par de nombreuses atrocités commises à l`égard de la population civile, dont des actes de violence sexuelle, la traite des êtres humains et l`utilisation généralisée d`enfants soldats. Bien que près de vingt ans se soient écoulés depuis la fin de la guerre, les séquelles perdurent.
Les victimes de la violence basée sur le genre, des enlèvements et de l’esclavage sexuel ont ramené dans leurs communautés des traces de traumatismes, de blessures, de maladies, de stigmatisation et parfois d’enfants. Même si leurs familles les ont acceptés, il n’y avait souvent que peu de structures de soutien en place pour les aider à surmonter les cicatrices physiques et psychologiques.
Les enfants soldats recrutés, initiés au service en étant forcés de tuer les membres de leur propre famille, ont été rejetés par leur communauté d’origine à leur retour chez eux après la guerre. Au total, 1270 écoles primaires ont été détruites pendant la guerre.
Quant aux personnes blessées pendant la guerre, les rebelles du Front Révolutionnaire Uni (RUF) ayant l’habitude d’amputer les bras et les jambes des civils, bon nombre d’entre elles continuent de souffrir à cause du manque d’infrastructures adaptées et du manque de soutien social. En effet, on estime que quelque 27 000 Sierra-Léonais ont été handicapés ou amputés d’un membre pendant la guerre. Après plus de deux décennies de paix, ces victimes estiment qu’elles continuent à porter les séquelles de la guerre en raison de la négligence des gouvernements successifs qui méconnaissent à la fois les défis auxquels elles sont confrontées et leur contribution à la paix dont jouit aujourd’hui le pays.
Du 6 au 14 juin 2023, une visite de terrain organisée par Minority Rights Group a permis à six journalistes de la Sierra Leone, du Ghana et du Sénégal de faire état des besoins qui perdurent en raison des conséquences directes ou indirectes du conflit. Cette initiative a donné lieu à 14 articles impactant dans la presse écrite, à la radio, des vidéos et des articles en ligne publiés en Français et en Anglais par des agences de presse de toute la région.
Quant aux personnes blessées pendant la guerre, les rebelles du Front Révolutionnaire Uni (RUF) ayant l’habitude d’amputer les bras et les jambes des civils, bon nombre d’entre elles continuent de souffrir à cause du manque d’infrastructures adaptées et du manque de soutien social. En effet, on estime que quelque 27 000 Sierra-Léonais ont été handicapés ou amputés d’un membre pendant la guerre. Après plus de deux décennies de paix, ces victimes estiment qu’elles continuent à porter les séquelles de la guerre en raison de la négligence des gouvernements successifs qui méconnaissent à la fois les défis auxquels elles sont confrontées et leur contribution à la paix dont jouit aujourd’hui le pays.
Du 6 au 14 juin 2023, une visite de terrain organisée par Minority Rights Group a permis à six journalistes de la Sierra Leone, du Ghana et du Sénégal de faire état des besoins qui perdurent en raison des conséquences directes ou indirectes du conflit. Cette initiative a donné lieu à 14 articles impactant dans la presse écrite, à la radio, des vidéos et des articles en ligne publiés en Français et en Anglais par des agences de presse de toute la région.
Bon nombre de victimes ont vu leurs villages détruits, les rendant sans abri et sans moyens de reconstruire. Après la guerre, des communautés d’habitation ont été créées exclusivement pour les personnes amputées, les autres blessés et les veuves.
Les journalistes d’EMMAP ont visité deux de ces communautés : l’une à Grafton, juste à l’extérieur de Freetown, la capitale de la Sierra Leone, et l’autre à Kenema, la plus grande ville de la province Est du pays. “Au-delà du fait que nous vivons dans des maisons à peine décentes, nous avons été laissés dans ces conditions pour nous débrouiller. Toutes les promesses faites par les gouvernements après la guerre n’ont pas été honorées », a déclaré l’un des habitants au journaliste de MyDailyNewsOnline journalist Samuel Asamoah.
À Kenema, Seibatu Kallon a confié aux journalistes qu’elle n’avait que 13 ans lorsque les soldats du RUF ont attaqué son village. « J’ai perdu la vue à cause des sérieuses blessures que j’ai subies à la tête, et mes mains ont été amputées à l’hôpital parce que mes os étaient complètement brisés à cause des tortures infligées par les rebelles », a déclaré Kallon à Patricia Sia a Awoku reporter Patricia Sia Ngevao.
Malgré les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) relatives à la réparations aux civils ayant subi de tels traitements pendant le conflit, les journalistes ont constaté qu’aujourd’hui, de nombreux habitants – dont Kallon, qui est désormais veuve et mère de quatre enfants – n’ont d’autre moyen de subsistance que la mendicité dans la rue. « En ma qualité de femme, je ferai usage de ma voix pour attirer l’attention du monde sur notre situation critique en tant que survivants de la guerre et sur l’importance de reconnaître nos souffrances, car nous sommes un véritable symbole de résilience », déclare-t-elle, exhortant le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR).« Nous ne parvenons pas à oublier le passé parce que le présent ne nous traite pas bien », a ajouté Kallon.
C’est à Komrabai Ferry, un village du district de Tonkolili, dans la province du Nord, que, le 8 décembre 2000, le RUF, les chefs militaires et les forces de maintien de la paix de l’ONU se sont rencontrés pour entamer le processus de médiation qui a finalement abouti à la résolution du conflit. Bien que le village soit entré dans l’histoire grâce à sa contribution à la cessation de la guerre en Sierra Leone, il a depuis été privé de développement socio-économique.
En effet, les infrastructures du village ont été abandonnées. Les élèves parcourent plus de cinq kilomètres pour se rendre à un bâtiment en ruine qui leur sert de salle de classe, tandis que les femmes et les enfants marchent plus d’un kilomètre et demi pour aller chercher de l’eau dans un ruisseau pollué. Autrefois symbole de paix, ce village historique porte encore les stigmates de la guerre et ne parvient toujours pas à se remettre de sa dévastation.
De retour à Freetown, les journalistes ont visité le Tribunal Spécial Résidentiel de Sierra Leone et le Musée de la Paix situé sur le site du Tribunal Spécial qui, le 26 avril 2012, a condamné le Président Libérien Charles Taylor pour son rôle par rapport aux crimes de guerre.
Le tribunal a adressé un message aux autres pays. Quand bien même que vous êtes président, vous devez rendre des comptes », a déclaré Patrick Fatoma, Directeur du musée, à Mame Woury Thioubou, journaliste du Quotidien ( Le Quotidien reporter Mame Woury Thioubou.).
En Sierra Leone, « la plupart des problèmes, à savoir la corruption, le népotisme, l’abus de pouvoir et la négligence des mineurs, entre autres, qui ont conduit à la guerre civile dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en 1991, perdurent », rapporte le journaliste Ghanéen Hagar Sey. La Sierra Leone reste touchée par la pauvreté, la précarité des infrastructures et le manque d’accès à des soins de santé et à une éducation de qualité.
Et pourtant, « nous sommes convaincus que la paix est l’objectif ultime. En d’autres termes, avec tous les problèmes que nous vivons actuellement, il vaut mieux que nous soyons en paix plutôt qu’en guerre », déclare Francis Sowa, Coordinateur National du Groupe de Coordination de la Réforme des Médias (MRCG) en Sierra Leone, soulignant l’importance de continuer à raconter ce qui s’est passé pendant le conflit et ses impacts actuels. « Lorsque nous nous souvenons de ces événements, cela nous amène à comprendre que la guerre et les conflits ne sont jamais des solutions aux problèmes. Lorsque nous avons des problèmes, nous devons nous asseoir et dialoguer, parler et trouver une solution’ »
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Histoires de réussite : Camps des Sorcières au Ghana
À bien des égards, le Ghana est à l’avant-garde de la promotion de l’égalité des sexes en Afrique de l’Ouest. La cause des femmes a évolué dans les domaines de la santé et de l’éducation à un rythme nettement plus élevé que dans les autres pays d’Afrique Sub-saharienne. La Constitution du Ghana stipule que tout le monde est égal devant la loi, et cette disposition inclut la question de l’égalité des sexes.
Bien que ce constat soit encourageant, cela ne se traduit pas nécessairement par une amélioration des perspectives économiques ou de l’accès à la prise de décision. Par exemple, selon le Programme des Nations unies pour le développement, sur les 275 membres du parlement ghanéen, il n’y a que 40 femmes, soit environ 16 %. Au niveau de l’administration locale, sur les 261 Chefs Exécutifs Métropolitains, Municipaux et de District actuels, 38 sont des femmes, soit 17 % seulement.
Ce déséquilibre du pouvoir est particulièrement persistant dans les zones rurales, comme en témoigne le sort réservé aux femmes accusées de pratiquer la sorcellerie. Bien qu’un petit nombre d’hommes soient également accusés, la grande majorité des victimes sont des femmes très âgées – souvent des veuves – qui ne bénéficient plus d’un soutien familial solide ni du pouvoir de la société. Dans certains cas, il peut s’agir d’une maladie mentale, ce qui ajoute une composante « droits des personnes handicapées » à ce problème.
Les personnes soupçonnées de pratiquer la sorcellerie sont souvent contraintes de fuir leur communauté ou risquent d’être lynchées par leurs voisins, comme l’a rapporté Mohammed Fugu, participant de EMMAP, qui a relaté l’histoire de deux hommes condamnés à 12 ans d’emprisonnement pour avoir accusé une femme de 90 ans d’être une sorcière et l’avoir battue à mort.
Pour se protéger du danger, les accusées de sorcellerie se réfugient dans des camps des sorcières, des habitats où elles peuvent bénéficier d’une certaine protection de la part d’un chef local et, en échange, le payer et travailler dans ses champs. En 2024, il y aurait six camps, tous situés au Nord du Ghana.
En raison de leur isolement, ces camps n’attirent pas l’attention des décideurs politiques, des défenseurs des droits de l’homme ou des professionnels des médias, qui ont tendance à se concentrer dans les zones urbaines. Pour interpeller sur cette situation, du 30 mars au 5 avril 2023, Minority Rights Group a convié 10 journalistes de Sierra Leone, du Ghana et du Sénégal à une visite de terrain au camp des sorcières de Gambaga, au Nord du Ghana, situé à 160 km de la grande ville la plus proche, Tamale, et à 670 km de la capitale, Accra.
La controverse porte sur la question de savoir si ces camps devraient être démantelés. Le gouvernement a déjà tenté de fermer les camps afin de mettre fin à la stigmatisation de ces femmes et faciliter leur réintegration au sein de leur communauté. D’un autre côté, ces camps offrent un refuge vital contre les persécutions. Quoi qu’il en soit, les résidents vivent sans aucun doute dans la pauvreté et l’isolement perpétuel, notamment en raison de l’absence de soins de santé et de scolarisation pour les enfants.
Les journalistes d’EMMAP ont été témoins des histoires émouvantes et des défis actuels auxquels sont confrontés les résidents des camps : « lorsque vous êtes accusé d’être un sorcier ou une sorcière, c’est fini pour vous », a confié Kologou Tindana, qui vit dans le camp de sorcières de Gambaga avec 92 autres femmes, quatre hommes et 26 enfants, à Awa Faye, journaliste d’EMMAP, dans un article publié sur Seneweb. « J’ai perdu mon commerce qui était florissant. Aujourd’hui, de quoi ai-je besoin ? J’ai besoin de riz, de maïs, de vêtements. J’étais une grande dame et maintenant je suis grand-mère. Je suis vieille et j’accepte d’être une sorcière ».
La plupart des résidents du camp estiment que leurs communautés respectives les ont traités de sorciers et de magiciens, les accusant d’ensorceler leurs victimes avec des maladies, des mauvaises récoltes ou des difficultés financières, entre autres. « Mon mari a deux femmes, moi-même et une autre femme. Ma rivale s’est réveillée un matin et a informé mon mari qu’elle m’avait vu en rêve et que je la poursuivais pour la tuer », a déclaré Kologo Tindana, une habitante, au journaliste de la Ghana News Agency, Dennis Peprah. L’information est parvenue à la communauté, qui m’a traitée de sorcière et a tenté de me tuer, mais j’ai pu fuir jusqu’au camp pour me mettre à l’abri, après qu’ils m’eurent violemment battue.
L’équipe de journalistes d’EMMAP a réalisé 16 reportages intéressants, publiés dans les trois pays dans la presse écrite, en ligne, à la radio et sous forme de vidéos. Ces reportages ciblés ont été réalisés à un moment crucial : alors que les défenseurs des droits de l’homme font depuis longtemps pression sur le gouvernement pour qu’il intervienne afin de mettre un terme à la pratique des accusations de sorcellerie, grâce en partie à l’attention portée par les journalistes, le 28 juillet 2023, le parlement ghanéen a adopté un projet de loi visant à protéger les personnes accusées de sorcellerie.
Cette législation criminalisant le fait de traiter d’autres personnes de sorcières, de les renvoyer de leur communauté ou de les maltraiter pour de prétendus actes de sorcellerie. Toutefois, le Président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo n’a toujours pas signé le projet de loi anti-sorcellerie depuis septembre 2024, invoquant des implications financières potentielles sur le fonds consolidé du pays. Les organisations de la société civile demandent instamment au président de ratifier cette loi avant la fin de son mandat en décembre 2024, estimant que son inaction enhardi les auteurs d’actes de sorcellerie.
Plus d’un an après cette visite, les journalistes d’EMMAP continuent d’attirer l’attention sur ce problème de droits de l’homme. Les activistes soulignent l’importance de l’éducation et des campagnes de sensibilisation du public pour éliminer les mythes qui entourent la sorcellerie. Ils considèrent qu’il est essentiel de sensibiliser les communautés rurales sur les questions de la santé mentale, la pauvreté et les inégalités sociales afin de minimiser le nombre d’accusations de sorcellerie.
« Nous n’estimons pas que le gouvernement ait entièrement tourné la page sur le développement et la formulation ou l’approbation du projet de loi, c’est pourquoi nous appelons toujours le président à reconsidérer sa décision d’approuver le projet de loi en considération de la violation et de la privation des droits de l’homme » , a déclaré le Directeur National d’ActionAid Ghana, John Nkaw , à la journaliste de l’EMMAP, Fatima Anafu-Astanga, pour l’Agence de Presse Ghanéenne.
Alors que le débat se poursuit, les personnes installées dans les camps restent dans l’incertitude, isolées de la société, stigmatisées et largement oubliées par un pays qui a fait des progrès considérables en matière d’égalité entre les sexes, mais qui continue à ne pas être à la hauteur des attentes de certains de ses membres les plus vulnérables. Les prochaines étapes du gouvernement ghanéen seront cruciales afin de déterminer si le pays est capable de protéger les personnes accusées de sorcellerie tout en s’attaquant aux causes profondes de ces pratiques néfastes. D’ici là, les journalistes qui s’engagent à raconter leur histoire continueront de jouer un rôle déterminant pour faire évoluer la situation.
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Histoire de Réussite : Violence intercommunautaire
Malgré la difficulté de parvenir à un chiffre exact, on estime qu’il existe plus de 500 communautés ethniques distinctes en Afrique de l’Ouest et autant de langues maternelles. Alors que l’islam et le christianisme soient les deux principales religions, les croyances et les pratiques traditionnelles sont encore très largement existante aujourd’hui.
Les exemples d’harmonie durable entre les différents groupes sont innombrables. Cependant, certains conflits passés et présents sont imputables aux divisions entre les identités culturelles, ainsi qu’aux difficultés d’accès à la terre, aux ressources, à l’appartenance politique et à d’autres inégalités, exacerbées par les frontières coloniales qui recoupent les lignes de démarcation ethniques et culturelles.
Les reportages sur les violences intercommunautaires sont essentiels pour encourager la prise de conscience, la responsabilité et la recherche de solutions à ces conflits complexes. Les journalistes, par la mise en lumière des causes sous-jacentes, peuvent contribuer à révéler les dynamiques qui sous-tendent ces violences et servir de plate-forme aux voix marginalisées, tout en permettant aux victimes de ces violences de partager leurs expériences et points de vue.
Dans le cadre du programme « Engager les Médias et les Minorités à Agir pour la Consolidation de la Paix » (Engaging Media and Minorities to Act for Peacebuilding-EMMAP), 10 journalistes ont effectué des visites de terrain en Sierra Leone, au Sénégal et au Ghana. Ces visites ont abouti à la rédaction de 16 articles sur le thème, diffusés dans la presse écrite, en ligne, à la radio et dans les médias audiovisuels de ces trois pays.
Les journalistes du programme EMMAP encouragent les résolutions pacifiques des conflits grâce à la diffusion de ces histoires.
Le village de Boffa Bayotte isolé à cause d’un conflit dans le sud du Sénégal.
Le Sénégal, souvent célébré comme l’un des pays d’Afrique de l’Ouest les plus stables sur le plan politique, est aux prises avec un conflit de longue date dans le sud de la Casamance. Depuis plus de 40 ans, la lutte violente entre les militants séparatistes connus sous le nom de Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) et les forces gouvernementales a fait environ 60 000 déplacés et 5 000 morts.
Le 6 janvier 2018, 24 villageois de Boffa Bayotte sont tombés dans une embuscade alors qu’ils ramassaient du bois de chauffage dans une forêt voisine, tendue par des assaillants qui seraient des membres du MFDC. Quatorze personnes ont été tuées et sept blessées, tandis que trois autres ont échappé de justesse.
Ce massacre a jeté une ombre sur Boffa Bayotte, dont le nom est désormais synonyme de violence dans les médias nationaux. «L’attaque a été brutale, les victimes ont été maintenues de force au sol et exécutées sans pitié », a relaté Edouard Dasylva, le chef de Boffa Bayotte, lors d’une interview avec la journaliste Sierra Leonaise Patricia Sia Ngevao pendant le voyage d’étude d’EMMAP.
L’événement a secoué la région et une enquête menée par les autorités sénégalaises a abouti à l’arrestation de 15 personnes. Un chef de guerre du MFDC a été condamné par contumace et deux autres ont été condamnés à la prison à vie, mais la douleur et la stigmatisation associées à l’événement perdurent.
Le conflit en Casamance n’est pas exclusivement de nature politique, mais également ethnique. La région est majoritairement habitée par les Diolas, un groupe ethnique minoritaire qui s’est souvent vu marginalisé par les gouvernements sénégalais. La communication entre le nord et le sud du pays se trouve également compliquée en raison des facteurs géographiques, puisque le petit État de Gambie se trouve entre la région de la Casamance et la capitale du Sénégal, Dakar.
Le village de Boffa Bayotte se situe dans ce que l’on qualifiait autrefois de « zone rouge » au plus fort du conflit – une zone où, de 1997 à 2005, les affrontements entre les différentes factions du MFDC et les autorités locales ont rendu la vie insupportable à la population locale, occasionnant de nombreux déplacements de population. En 2006, la situation s’est aggravée lorsque le MFDC a commencé à affronter l’armée sénégalaise. De nombreux villageois ont fui vers la Gambie voisine ou dans des villes telles que Ziguinchor et Kolda, à la recherche de sécurité.
Bien que le retour des populations déplacées ait été lent et entaché de difficultés, nombreux sont ceux qui, comme Lamine Koly, ont choisi de rester dans leur pays d’origine malgré les dangers. « Nous avons préféré mourir plutôt que de retourner souffrir loin de notre pays », a déclaré Lamine Koly à Babacar Diop, journaliste au Quotidien Sénégalais Le Soleil et lauréat du Prix Fahamu du Journalisme d’Afrique-Minorité.
Le journaliste sénégalais de l’EMMAP, Ibrahima Gasama, a insisté sur ces préoccupations : « Les habitants de cette région estiment que le sud a été abandonné par les gouvernements successifs, les plongeant dans une pauvreté hostile et dans la misère, ce qui a poussé de nombreux citoyens à se déplacer vers le nord ou à se lancer dans l’aventure de l’émigration ».
« Au moment où vous vous rendez quelque part dans ce pays pour chercher un emploi, une aide ou toute autre opportunité, dès que l’on découvre que vous êtes originaire de Boffa Bayotte, on vous refuse cette aide parce que nous sommes perçus comme de mauvaises personnes », a confié le chef Dasylva au journaliste de la Rainbow Radio Online du Ghana, Prince Kwame Tamakloe.
«Nous avons accepté notre situation si tel est notre destin et si nous devons subir l’épreuve de la discrimination et du rejet. Je serai heureux de voir les habitants des trois autres communautés qui ont quitté leurs maisons revenir pour que nous puissions vivre en harmonie ».
Le Chef attend également du gouvernement qu’il accepte de reclasser une partie de la forêt en zone productive pour 25 villages, sur le principe d’une gouvernance décentralisée pour générer de revenus.
« Un accord a été élaboré et, s’il est conclu, il aura un impact sur la communauté, mais pour l’instant, rien de concret n’a été conclu », a-t-il déclaré.
La Casamance n’a toujours pas trouvé de solution au conflit, malgré des années de négociations et des cessez-le-feu sporadiques. Alors que des certaines de personnes déplacées ont regagné leurs villages, les cicatrices de la violence, du déplacement et de la stigmatisation demeurent. Les habitants de la Casamance continuent de vivre les conséquences du conflit, aspirant à la paix et à la réconciliation dans une région souvent assombrie par son passé.
Conflits entre agriculteurs et éleveurs en Afrique de l’Ouest
Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont désormais une préoccupation en Afrique de l’Ouest, notamment dans le village de Makoth, dans le nord de la Sierra Leone. Les conflits violents sur la propriété des terres, l’abattage et le vol du bétail ou la destruction des récoltes menacent de plus en plus le mode de vie des agriculteurs et des éleveurs, malgré leur relation souvent interdépendante.
Le Président de l’Association des Propriétaires Foncier et des Agriculteurs de la région, Mohamed Lamin Kamara, explique que les propriétaires de bétail sont réputés de conduire leurs troupeaux en pâture dans les champs sans leur consentement. «Lorsque les propriétaires de bétail soudoient pour éviter les conflits, les agriculteurs ripostent en tuant le bétail parce qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire. C’est ainsi que les conflits se multiplient », a-t-il déclaré à Patricia Sia Ngevao, journaliste au journal Awoku de Sierra Leone.
Mohamed Bah, Secrétaire Général des éleveurs de bétail de la communauté de Makarie, estime que le conflit actuel est né de la guerre civile en Sierra Leone. «Pendant la guerre, tout le bétail a été ravagé, à l’exception des quelques bêtes qui ont été déplacées en Guinée. Ainsi, lorsque certains d’entre nous sont rentrés avec notre bétail après la guerre, les autochtones se sont mis à les tuer », a-t-il expliqué.
Les agriculteurs et les éleveurs se plaignent que les autorités sont loin d’être des arbitres neutres. Les agriculteurs accusent les éleveurs de corrompre souvent les autorités en leur versant de l’argent, tandis que les éleveurs estiment que la plupart de ces autorités sont elles-mêmes des propriétaires terriens et ne sont donc pas impartiales.
Le conflit a touché les femmes de manière disproportionnée. Sallay Sesay, mère célibataire de sept enfants, a expliqué à Ngevao que «ses récoltes avaient été détruites et lorsqu’elle a saisi le chef, elle n’a reçu qu’une faible compensation. Les gens n’ont plus confiance au système », a-t-elle déclaré,« c’est pourquoi ils ont recours à la loi ». «C’est pourquoi ils se font justice eux-mêmes ».
Elle a insisté sur le fait que « nous ne disons pas que les éleveurs de bétail doivent être chassés, mais qu’ils sont tenus de surveiller leurs troupeaux, étant donné que nous survivons grâce aux récoltes qui nous permettent de subvenir aux besoins de notre foyer ».
Le gouvernement de la Sierra Leone a mis en place un comité de résolution des contentieux, qui devait constituer une étape positive vers la résolution des conflits. Cependant, l’efficacité du comité est compromise par un manque de respect de son autorité. En effet, certains propriétaires de bétail ont recours à la corruption pour contourner son intervention. Cette pratique exacerbe les tensions et entraîne parfois des mesures de rétorsion de la part des agriculteurs.
Suite à sa participation au programme EMMAP, Ngevao a réalisé un article de fond qui explore les différents modèles de résolution des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la région. Elle remarque que dans la ville sénégalaise d’Oussouye, la terre est considérée comme un bien commun et transmis de génération en génération, ce qui favorise l’harmonie entre les différentes parties prenantes.
Ngevao a conclu que le dialogue et la médiation sont au cœur de la résolution des conflits à Oussouye, car les membres de la communauté ont eux-mêmes pour priorité d’amener toutes les parties à la table des négociations afin de trouver des solutions mutuellement bénéfiques. Au lieu de faire appel à des tribunaux normaux, la justice coutumière occupe une place centrale dans le résolution des conflits, avec des concepts de réconciliation, de compromis et de restauration de la paix au cœur de ses préoccupations.
À Oussoye, des mesures pratiques, telles que la gestion du pâturage du bétail pendant la saison des pluies, sont mises en place pour empêcher les conflits. Les jeunes garçons et les hommes sont appelés à guider le bétail à l’écart des cultures, et des compensations sont prévues si les cultures sont détruites. Le roi est l’autorité suprême en la matière.
Les autorités du royaume insistent sur la responsabilité partagée du maintien de l’harmonie des terres, en soulignant la nécessité d’une communication ouverte et d’un respect mutuel entre les membres de la communauté afin de protéger les terres communales pour les générations futures.
Dissah et Daboya : la réconciliation après le conflit
Dans la région de la Savane, au nord du Ghana, les tensions croissantes entre les communautés ont culminé en 2018 avec des violences meurtrières qui ont eu des conséquences prolongées.
Selon la police régionale, le conflit a pris racine dans les divisions ethniques : alors que des membres de l’ethnie Gonja, originaires de la capitale régionale Daboya, tentaient de percevoir des redevances auprès des bergers peuls, ils ont été attaqués par des personnes de l’ethnie Tampuli, qui sont majoritaires dans le village de Dissah.
Le 13 janvier 2018, en représailles, des assaillants armés de Daboya ont attaqué Dissah et le village voisin de Saleligu, faisant deux morts et des blessés, et détruisant des maisons, des motos, un tracteur et des infrastructures essentielles telles qu’une installation solaire et des ordinateurs.
La communauté, avec une population d’environ 1 000 personnes, a été complètement rasée et de nombreux résidents déplacés.
Les journalistes d’EMMAP ont visité Dissah et se sont entretenus avec des habitants, notamment Assafo Babo Salifo, qui a relaté la nuit terrifiante au cours de laquelle des hommes armés ont attaqué le village, tirant sans discrimination et mettant le feu aux maisons.
« Au moment de l’attaque, tous mes enfants et mes femmes se sont réfugiés dans la brousse. Il m’a fallu plusieurs jours pour les retrouver lorsque la situation s’est calmée. J’ai perdu une dizaine de bovins, des denrées alimentaires et d’autres biens », a-t-il déclaré à Mohammed Fugu du Daily Graphic.
La Cinquantaine, Salifu Mariam, a vécu une expérience tout aussi traumatisante. Son fils a été abattu, leurs biens ont été détruits et la maison a été incendiée. « Je faisais du commerce et de l’agriculture en même temps, mais j’ai tout perdu à cause du conflit et maintenant les choses sont difficiles pour moi », a-t-elle déclaré.
À la suite de cette attaque, la police a appréhendé 40 individus suspectés et, au cours des années suivantes, le conseil traditionnel a pris des mesures pour purger la région des affrontements communautaires, afin de garantir la paix et d’accélérer le développement. Les enseignants, les auxiliaires médicaux et les organisations de la société civile qui avaient fui la région ont regagné la communauté pour continuer leur travail, mais les craintes et la détresse sont toujours vivaces dans les esprits.
Malgré les destructions, les habitants de Dissah ont fait preuve d’une résilience remarquable et ont pardonné à leurs voisins de Daboya. Aujourd’hui, les communautés de Dissah et de Daboya ont commencé à reconstruire non seulement leurs maisons, mais aussi leurs relations, ce qui témoigne de leur désir collectif d’aller de l’avant et de ne pas revenir sur le passé.
“Les habitants de Daboya nous ont aidés à nous rendre chez eux pour rétablir ces relations de voisinage, ces liens familiaux. Nous avons convaincu nombre de nos proches, qui étaient partis vivre à Tamale ou à Accra, de revenir. Et ils sont de retour », a déclaré Assafo Babo Salifo, un habitant de Disah, à Diomma Drama, journaliste de Pulse SN au Sénégal.
Un journalisme efficace pour promouvoir des règlements pacifiques
La leçon tirée de tous ces conflits montre que le dialogue est un élément crucial pour encourager et maintenir la paix. Les malentendus sont souvent au cœur de ces conflits et conduisent à privilégier la division plutôt que l’unité.
Grâce à la diffusion d’informations exactes et équilibrées, les journalistes informent le public et incitent les décideurs politiques, les promoteurs de la paix et la communauté internationale à s’attaquer à ces problèmes. En outre, les reportages sur les violences intercommunautaires soulignent l’importance du dialogue, de la réconciliation et des efforts de consolidation des communautés, ouvrant ainsi la voie à la guérison et à la paix.
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