Les autorités françaises arrêtent Roger Lumbala, ancien chef de milice, pour crimes contre l’humanité en RDC

4 January 2021

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L’ancien député congolais Roger Lumbala a été arrêté en France et mis en examen pour complicité dans la perpétration de crimes contre l’humanité commis en République Démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

Les accusations à son encontre concernent son implication dans l’opération militaire « Effacer le tableau », à travers laquelle des milliers de civils ont été torturés et tués, y compris des membres de la population autochtone Bambuti. Meurtres, transfertsdepopulation forcés, torture, viols et persécutions comptent au rang des violations rapportées par une enquête de terrainmenée en 2004 par des activistes civils congolais et coordonnée par MinorityRights Group International.

Le parquet français a annoncé le lundi 4 janvier 2021 que Lumbala avait été arrêté mardi dernier. Les chefs d’accusation qui pèsent contre lui n’ont cependant été confirmés qu’en fin de semaine.

Le rapport du Projet Mapping commissionné par l’ONU et publié en 2010 faisait état de 617 incidents décrits comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations du droit international humanitaire commis entre 1993 et 2003. Les poursuites contre Roger Lumbala constituent la première enquête judiciaire en lien avec ces violations depuis la publication du rapport.

« L’arrestation de Lumbala représente un pas en avant considérable pour la justice internationale et un coup porté à l’impunité en RDC », a affirmé Joshua Castellino, Directeur exécutif de MinorityRights Group International. « La population autochtone Bambuti a été la cible d’une campagne d’extermination pour laquelle personne n’a été tenu responsable. Des crimes de cette gravité exigent que justice soit faite. »

L’opération « Effacer le tableau » était une campagne d’attaques préméditée et systématique contre lespopulations civiles de la province d’Ituri au Congo, menée par deux groupes d’opposition, le Mouvement de libération du Congo (MLC) et le Rassemblement congolais pour la démocratie – National (RCD-N), ce dernier étant alors sous le contrôle de Roger Lumbala. D’octobre 2002 à janvier 2003, ces milices ont conjointement occupé le territoire des régions d’Epulu, Mambasa, Teturi, Byakato et Erengeti, en perpétrant une série d’atrocités contre les Bambuti et d’autres populations locales et imposant le transfert forcé de plus de 100 000 personnes. Après la signature d’accords de paix en 2003, les forces RCD-N furent intégrées à l’armée congolaise. Accusé d’avoir soutenu de nouveaux mouvements rebelles, Lumbala — jusqu’alors en exil — ne retourna au Congo qu’en 2017 après l’adoption d’un autre accord de paix, et fut ensuite élu député.

« Les victimes civiles ont dû attendre plus de 10 ans depuis que le rapport du Projet Mapping a fait l’inventaire des atrocités qui ont eu lieu au Congo pour que cette première enquête judiciaire soit menée », a affirmé Miriam Puttick, Directrice des programmes à Ceasefire. « Pour le bien de la justice et de la réconciliation, il est essentiel que d’autres enquêtes judiciaires soient désormais menées. »

Un collectif de 180 ONG principalement congolaises, fédérées par le lauréat du Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege, a demandé que l’identité des auteurs présumés des crimes mentionnés dans le rapport du Projet Mapping soit rendue publique afin de relancer un processus de justice jusqu’alors paralysé.

A la suite de l’affaire judiciaire historique de Pinochet il y a 20 ans, les enquêtes pénales internationales en application du principe de compétence universelle ont gagné du terrain. Le procès d’Anwar Raslan, ancien colonel de la Direction générale de la Sécurité syrienne, institution redoutée, est actuellement en cours à Koblenz en Allemagne. D’autres affaires syriennes sont attendues.

Notes à l’attention des équipes de rédaction

  • MinorityRights Group International est la principale organisation internationale des droits humains qui œuvre pour la défense des droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques et des peuples autochtones. Elle travaille avec plus de 150 partenaires dans plus de 50 pays.
  • The Ceasefire Centre for CivilianRights est une initiative en faveur du développement d’une surveillance menée par des civils des violations du droit international humanitaire et des droits humains, ayant pour objectif d’établir une responsabilité juridique et politique pour ces violations, et d’inciter les civils à exercer leurs droits.
  • Le rapport« Effacer le tableau » : Rapport de la mission internationale de recherche sur les crimes commis, en violation du droit international, contre les Pygmées bambuti dans l’est de la République démocratique du Congo est disponible ici.
  • Le Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, publié par l’ONU, est disponible ici.