Amazighs en Algérie
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Population estimée (en 2004) : Entre 6,6 et 9,9 millions
Ethnies : Kabyle, Shawiya/Chaoui, Mozabites/Mzab et Touareg
Langue(s) maternelle(s) : Tamazight (différentes variétés)
Religion(s) : Islam (principalement sunnite avec quelques ibadites), christianisme et croyances traditionnelles
Les Amazighs sont le peuple autochtone d’Afrique du Nord. En tamazight, la langue parlée par les Amazighs, Imazighen est la forme plurielle, signifiant « peuple libre ». Ils/elles sont également connu.e.s sous le nom de Berbères, terme dérivé du grec signifiant « étranger, non grecophone, barbare », bien que ce terme – largement utilisé par les invaseurs et les autorités coloniales – soit largement rejeté par les Amazighs eux-mêmes en raison de ses connotations négatives.
Les estimations du nombre de locuteurs/rices actuel.le.s de tamazight en Algérie varient considérablement, de 17 % à 45-55 % de la population (en tenant compte des locuteurs/rices bilingues ou trilingues), certaines régions étant fortement amazighes, comme la Kabylie. D’autres locuteurs/rices de tamazight sont concentré.e.s dans les régions centrales telles que Ghardaïa et le Sahara. La culture amazighe n’est pas homogène. Environ la moitié de la population de langue tamazight est concentrée dans les zones montagneuses à l’est d’Alger. Au fil du temps, les Kabyles se sont déplacés en grand nombre vers les villes d’Algérie et de France à la recherche d’un emploi. Le deuxième groupe amazigh le plus important, les Shawiya, habite les montagnes escarpées de l’est de l’Algérie (Aurès). Deux communautés amazighes plus petites sont les Mozabites de la région autour de Ghardaïa et les Touaregs du sud. Les 12 000 Touaregs, qui sont nomades, vivent presque exclusivement dans les massifs montagneux de l’Ajjer et de l’Ahaggar dans le sud de l’Algérie. La dispersion géographique des locuteurs/rices de tamazight a freiné l’émergence d’une identité commune. Les Kabyles sont les plus cosmopolites et sont plus susceptibles de parler le français que les autres groupes. Tou.te.s les Amazighs, à l’exception des Mozabites (qui se réclament de l’ibadisme), sont des musulman.ne.s sunnites. Les différentes variétés de tamazight sont souvent mutuellement intelligibles et le nombre de locuteurs/rices varie considérablement selon les communautés : en Algérie, le taqbaylit (variété kabyle) compte des millions de locuteurs/rices, tandis que le chenoua (variété chaouie) compte des dizaines de milliers de locuteurs/rices.
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Les Amazighs sont les habitants autochtones du littoral nord-africain, isolé.e.s du reste de l’Afrique par le désert du Sahara. Les périodes de contrôle des empires carthaginois et romain ont été entrecoupées par la création de royaumes amazighs. La plupart des Amazighs étaient chrétien.ne.s avant le milieu du VIIe siècle, lorsque des vagues de migration arabe dans la région ont apporté des changements culturels et introduit l’islam.
Bien que la vie rurale amazighe soit restée en grande partie inchangée, ceux/celles qui vivaient dans les villes ont vu leur langue, leur droit tribal et leurs traditions littéraires orales se fondre dans les traditions arabes. Du XIe au XVe siècle, repoussé.e.s dans les régions montagneuses par les sultanats basés dans les villes, les Amazighs ont refusé de reconnaître l’autorité centrale ou de payer des impôts.
Le déclin du tamazight en Algérie (ainsi qu’au Maroc et en Tunisie) est dû à la diffusion de l’arabe comme langue de religion et de culture en général, à l’essor du français comme langue de prestige pendant la colonisation, ainsi qu’à des politiques assimilationnistes qui ont parfois même conduit à l’interdiction de l’utilisation de cette langue. Après l’indépendance, l’arabe est devenu la seule langue officielle de l’Algérie. Les expressions linguistiques et culturelles des Amazighs ont été interdites, ce qui a suscité un ressentiment parmi les locuteurs/rices de tamazight, tout comme les tentatives d’augmenter le nombre d’arabophones dans les bureaux du gouvernement.
En 1963, Hocine Ait Ahmed, un chef kabyle de la résistance antifrançaise, a mené une révolte contre le gouvernement. La révolte a été écrasée, et Ait Ahmed a été arrêté et condamné à mort ; il s’est ensuite enfui en France, où il a formé le Front des Forces Socialistes (FFS). Ahmed Ben Bella, premier dirigeant de l’Algérie indépendante, a lié l’arabisation de l’État au succès du socialisme. La politique gouvernementale visait la centralisation. L’autorité du gouvernement et sa légitimité reposaient sur son leadership dans la lutte pour l’indépendance, pourtant les Amazighs avaient pleinement participé à cette lutte. La loi d’arabisation de 1990 prévoyait l’arabisation complète de l’administration publique, des écoles du pays d’ici 1992 et des établissements d’enseignement supérieur d’ici 2000.
Le Code d’usage de la langue arabe de 1991 avait pour objectif d’empêcher l’usage d’une autre langue que l’arabe dans plusieurs circonstances. La Constitution algérienne de 1989 a reconnu l’arabe comme seule langue nationale et officielle. Un changement important est intervenu avec la création du Haut-Commissariat à l’Amazighité (HCA) en 1995. Selon le décret n°147-95, le HCA a été placé sous l’autorité du Président de la République avec pour objectif de promouvoir la langue amazighe. Cette décision a été prise après une année de grèves menées par des étudiant.e.s et des professeur.e.s de Kabylie, qui manifestaient contre l’interdiction de l’enseignement du tamazight dans une région à prédominance amazighe. Deux grands changements ont suivi, d’abord avec un amendement constitutionnel de 2002 qui a fait du tamazight la deuxième langue nationale, et enfin avec la Constitution de 2016, qui stipule dans son article 3 que l’arabe restera la langue officielle et affirme dans son article 4 que « le tamazight est également langue nationale et officielle » et prévoit des mesures pour sa promotion et son développement, notamment à travers le HCA.
Lorsque le plan d’enseignement de tamazight dans les écoles et universités de Kabylie a été introduit en 1995, l’objectif était de commencer par 24 gouvernorats et d’atteindre progressivement l’ensemble du territoire (48 gouvernorats à l’époque, 58 aujourd’hui suite à une réforme de février 2021). Selon certaines sources, en 2017, tamazight était enseigné comme matière dans certaines écoles des zones majoritairement amazighophones de 37 gouvernorats. Cependant, la loi sur l’éducation nationale de 2008 (toujours en vigueur aujourd’hui) promeut le caractère facultatif de l’enseignement de tamazight au niveau scolaire. Des protestations ont eu lieu en 2017 car une initiative qui aurait formalisé les allocations de financement pour l’enseignement de tamazight avait été rejetée par le Parlement. De nombreux critiques soutiennent que toutes ces garanties juridiques n’ont pas été accompagnées d’efforts suffisants en matière de planification linguistique et d’autres mesures pratiques, telles que l’allocation de fonds pour l’augmentation du nombre d’enseignant.e.s dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, bien qu’il existe plusieurs professionnel.le.s formé.e.s.
Bien que le gouvernement ait craint un séparatisme amazigh, il semble que peu de gens soient favorables à un État séparé. Certain.e.s sont toutefois favorables à une plus grande reconnaissance de l’identité amazighe et des droits des locuteurs/rices de tamazight au sein d’un État algérien plus démocratique et pluraliste. La forme la plus persistante d’opposition amazighe est venue de mouvements culturels plus larges.
Opposition à l’arabisation
La ville de Tizi Ouzou est le bastion de l’opposition à l’arabisation. Tout au long des années 1970, des musicien.ne.s et poètes amazighs ont utilisé une forme modernisée de la musique traditionnelle amazighe pour critiquer implicitement le régime algérien. Bien que les revendications populaires aient finalement forcé le gouvernement à autoriser la diffusion de cette musique, les chanteur/se.s et les groupes n’ont pas été autorisés à jouer en Kabylie. En 1980, lorsque le gouvernement a interdit une conférence sur la poésie ancienne kabyle à l’université de Tizi Ouzou, des manifestations et des grèves ont eu lieu dans toute la région et dans d’autres zones amazighes, se propageant à Alger. Ces manifestations ont été réprimées par la violence des troupes gouvernementales : plus de 30 personnes sont mortes et plusieurs centaines ont été blessées et arrêtées. Le Mouvement culturel berbère, fondé à la fin des années 1960, et d’autres organisations amazighes ont généralement soutenu l’idée d’une Algérie bilingue, avec une reconnaissance accordée à la langue amazighe et à l’arabe parlé, qui, plutôt que l’arabe littéraire, est la langue de la majorité de la population. En conséquence, ces organisations se sont souvent alliées à des non-Amazighs qui souhaitent parvenir à une société plus démocratique et pluraliste.
Les manifestations spontanées d’octobre 1988, au cours desquelles les Amazighs se sont mobilisés à Alger et en Kabylie, ont forcé le gouvernement algérien à soutenir un changement constitutionnel, notamment la fin du système de parti unique. En juillet 1989, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle loi sur les partis politiques qui permettait aux groupes indépendants du Front de libération nationale (FLN) de demander leur enregistrement et de participer aux élections nationales. Parmi les partis qui ont déposé leur candidature figuraient le FFS et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), deux organisations politiques composées par des Amazighs. Cependant, la nouvelle loi interdisait les groupes fondés « exclusivement sur une religion, une langue, une région, un sexe ou une race particulière » et stipulait que les partis ne devaient utiliser que la langue arabe dans leurs communiqués officiels.
Touareg
Les Touaregs sont des nomades amazighs. Ils/elles parlent une variété de tamazight appelée tamasheq et habitent le Sahara dans une vaste zone qui s’étend de l’extrême sud-ouest de la Libye au sud de l’Algérie, au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Les raids et le contrôle des routes caravanières étaient les piliers traditionnels des activités économiques touarègues à l’époque précoloniale. De plus en plus, le contrôle français a limité les raids des caravanes de sel au Niger. L’indépendance a entraîné la rupture presque totale de la société touarègue avec sa grande classe d’esclaves (iklan) amenés du Soudan et d’ancien.ne.s esclaves (haratin). L’idéologie socialiste et le nationalisme ont engagé l’Algérie dans l’assimilation des groupes minoritaires et la fusion du nord et du sud en un État unifié. Les esclaves libérés ont commencé à se soulever contre les Touaregs et à refuser de payer leurs cotisations contractuelles pour cultiver la terre. De violentes escarmouches ont abouti à l’emprisonnement de certains Touaregs et à une politique de promotion de modes de vie sédentaires par la construction de coopératives. À la fin des années 1960, les Touaregs n’avaient d’autre choix que de s’assimiler à la population algérienne.
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En 2001, des années de mobilisation des Amazighs pour une plus grande reconnaissance de leur langue, de leur musique et de leur culture amazighe ont donné lieu à des émeutes et à des dizaines de morts. Le gouvernement a amendé la Constitution et le tamazight a été reconnu comme langue nationale en 2002.
En février 2006, le cabinet du président Abdelaziz Bouteflika a décrété une amnistie de six mois pour la plupart des militants islamistes impliqués dans la guerre civile des années 1990 s’ils acceptaient de déposer les armes, mais à l’expiration de cette amnistie, moins de 300 militants avaient accepté l’offre. La « loi d’application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale » a également criminalisé les discussions sur le conflit. Certaines organisations amazighes favorables à un État algérien laïc, comme le Mouvement pour l’autonomie en Kabylie, craignaient que le gouvernement Bouteflika était en train de se rapprocher des islamistes, même si cette relation restait ambivalente. En octobre 2006, le président de l’Assemblée populaire de la province de Tizi Ouzou, en Kabylie, a été tué par balles. Le gouvernement impute cet assassinat et deux autres assassinats de dirigeants amazighs survenus au cours des 13 mois précédents à des militants islamistes.
Les principaux centres kabyles, notamment dans la wilaya ou province clé de Tizi Ouzou, ont ensuite connu une croissance de ce qu’un commentateur local a appelé « l’apathie militante » parmi l’électorat amazigh. Cela s’est traduit par une participation historiquement faible aux élections législatives de mai 2007, et une participation tout aussi faible aux élections municipales plus tard en novembre 2007. En outre, les tensions locales ont augmenté au sein des partis d’inspiration nationale, notamment le Front de libération nationale (FLN) et le Front des forces socialistes (FFS). Dans la ville de Berriane, au sud du pays, trois jours de combats ont éclaté entre des bandes rivales amazighes et arabes en mai 2008.
En 2016, à la suite de revendications croissantes, le tamazight a finalement été reconnu comme langue officielle. Le préambule de la Constitution stipule que les composantes fondamentales de l’identité du peuple algérien sont « l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité ». Le texte de la Constitution stipule dans son article 223 que toute révision constitutionnelle ne peut affecter tamazight comme langue nationale et officielle.
En janvier 2018, le 12 janvier, qui correspond au premier jour de l’année amazighe, a été décrété fête nationale. Cela a été perçu comme un geste d’ouverture et de reconnaissance officielle de la dimension amazighe de l’Algérie.
En février 2019, le Hirak algérien (le mot signifie « mouvement » en arabe) a commencé lorsque des millions d’Algérien.ne.s ont commencé à manifester pacifiquement dans les rues des principales villes, exigeant la démission du président Abdelaziz Bouteflika, s’opposant à sa candidature à un cinquième mandat présidentiel. De nombreux/ses Amazighs ont rejoint les manifestations. Des violations des droits humains ont été signalées par des ONG, notamment l’usage disproportionné de la force par la police pour contrôler les foules ainsi que l’arrestation arbitraire de manifestant.e.s. En juin 2019, le général Salah a interdit aux manifestant.e.s de porter le drapeau amazigh pendant les manifestations, criminalisant son utilisation et entraînant l’arrestation de centaines d’Algérien.ne.s.
Mis à jour en janvier 2023
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