Les Algérien.ne.s noir.e.s, originaires du sud de l’Algérie, représentent environ 10 % de la population totale du pays selon une estimation académique de 2009. Cependant, il n’existe aucune statistique officielle. Ces citoyen.ne.s algérien.ne.s sont confrontés à une discrimination raciale profondément structurelle, renforcée par l’institutionnalisation par l’État d’une identité « uniquement arabe blanche et musulmane ».
Le préambule de la Constitution algérienne stipule que les composantes fondamentales de l’identité du peuple algérien sont « l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité ». L’article 37 de la Constitution algérienne de 2020 garantit l’égalité entre tous les citoyens algériens, interdisant toute discrimination « pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale ». Bien que la race soit mentionnée comme motif de discrimination dans la Constitution, le fait que les composantes de l’identité algérienne ne fassent aucune référence à sa communauté noire ou à ses racines africaines peut témoigner du mépris total ou de l’invisibilité auquel ce groupe est confronté.
Bien que chaque pays d’Afrique du Nord ait son propre contexte, des schémas similaires en termes de discrimination raciale peuvent être observés dans toute la région, ce qui est dû à la longue histoire de la traite esclavagiste transsaharienne et à son héritage persistant. La traite transsaharienne ayant duré environ 1 300 ans, du VIIe au XXe siècle, l’Afrique du Nord a non seulement contribué au transit d’esclaves vers d’autres pays, mais a également eu recours à l’esclavage en interne pour le travail agricole, le travail domestique et le concubinage. Bien que certaines communautés noires soient autochtones de la région (comme les communautés sahariennes du sud de l’Algérie et les Touaregs et les Toubous en Libye) ou aient migré pour étudier dans les institutions islamiques de la région, on pense que la plupart des algérien.ne.s noir.e.s sont les descendant.e.s d’esclaves.
Continuellement marginalisés, les algérien.ne.s noir.e.s souffrent au quotidien d’un racisme endémique, qui se manifeste notamment par des interrogatoires lors de la présentation de leurs documents d’identité aux barrages de police ou dans les aéroports, ou par des insultes raciales telles que kahlouche (« Noireaud») et abd (« esclave »). L’absence des algérien.ne.s noir.e.s dans le mouvement Hirak et dans les débats en cours sur la démocratisation, l’identité nationale et l’appartenance en Algérie est évidente et aggravée par la concentration de cette population dans le sud saharien du pays, ce qui les rend invisibles aux yeux des autres citoyen.ne.s algérien.ne.s, principalement situés sur les rives méditerranéennes. Les femmes algériennes noires semblent particulièrement vulnérables à de tels actes de discrimination raciale, comme en témoigne l’élection de Khadija Benhamou au titre de Miss Algérie en janvier 2019. En effet, l’ampleur et la magnitude des attaques auxquelles Khadija Benhamou a été confrontée sur les réseaux sociaux après sa nomination, notamment en affirmant qu’elle ne représentait pas la beauté et l’identité du pays, témoignent de la prévalence du racisme anti-noir en Algérie.